Chapitre 4:
Conclusions
Les changements dans la vie religieuse qui eurent lieu à
l'époque du quatrième concile de Latran, au début du 13e siècle,
se reflètent dans la parution du genre littéraire des manuels de
confession; d'autres changements à la fin du 15e entraînèrent la
disparition de ce genre.
L'abondance de prêtres possédant une connaissance
insuffisante du latin -les clérigos pobres de çiençia- fut à l'origine
des traductions en langue vernaculaire. Dans le cas de la langue
castillane, tous les traités, à une seule exception(1) près sont soit
des traductions des manuels originairement rédigés en latin, soit
des textes rédigés en castillan, imitant les manuels latins en
vogue.
Certains des manuels, les plus courts et les plus superficiels,
semblent s'adresser tant aux pénitents qu'aux prêtres; ces derniers
étaient, du reste, alternativement des confesseurs et des
pénitents, car eux aussi devaient recevoir périodiquement le
sacrement de pénitence. Quelques manuels de faible longueur -entre deux et six feuillets- étaient utilisés comme aide-mémoire;
ceci est évident par leur style, qui les fait ressembler à une table
de matières ou à une liste d'en-têtes.
Les manuels de confession en castillan, à l'égal de ceux en
latin, fournissent l'image d'une société préoccupée par des images
de damnation; ils constituent une littérature s'adressant surtout
à des prêtres qui doivent s'assurer qu'aucun péché ne soit oublié,
car dans ce cas l'âme immortelle de ses ouailles risque de s'égarer
dans les ténèbres.
La société castillane médiévale n'était pas à tel point obsédée
avec le péché, mais la littérature des manuels met l'accent sur des
comportements considérés comme déviants. Il serait dangereux
de dresser l'image d'une société à partir seulement des documents
littéraires d'un certain type; ceci reviendrait à faire une
description de notre société contemporaine en prenant comme
source les chroniques de faits-divers ou des romans roses.
Néanmoins, ce genre littéraire nous permet de savoir quel
comportement était considéré comme déviant par les gens de la
loi et, peut-être, par une bonne partie de la population. Le fait que
les manuels soient écrits en castillan, donc destinés à un public
restreint, nous permet d'observer la société d'un endroit
géographique précis, ce qui est plus difficile à faire avec les textes
latins, lesquels pouvaient circuler partout en Europe.
La structure des manuels est presque toujours fixe: ils
énoncent des listes de pêchés, tels ceux contre les sept vertus,
contre les dix commandements et contre les oeuvres de
miséricorde, suivies de commentaires. Certains manuels
mentionnent des péchés qui ont rapport à des situations locales,
comme par exemple aux rapports entre Chrétiens, Musulmans et
Juifs; Martín Pérez mentionne dans la première partie de son
traité(2):
"...sy pueden los xristianos furtar los niños
chiquillos de los moros para baptizarlos [all]y sin
pecado, o si pecan aquellos que tal furto fasen. Et
ésto disen los doctores: que si la entençión del
xristiano que tal furto faze es derecha con piadat
de las almas dar a Dios, y con amor de la fe se
mueve a faser tal furto, non peca, ante gana
merçed, ca non faze injuria ninguna ni tuerto a los
padres; non, ca los desvía de[l] pecado en que
querrían enbolver y çegar a sus fijos en las
çeguedades de ellos [...] A los fijos non [fase tuerto]
ca los libra de poder del Diablo y de la carrera del
infierno..."
Les manuels s'adressent presque toujours aux hommes; ceci
est compréhensible dans le cas des manuels destinés aux
confesseurs, car ce sacrement ne peut être administré que par des
hommes, mais il est plus remarquable dans le cas des manuels
destinés aux pénitents. Par exemple, ils mentionnent la confession
d'un homme ayant eu des rapports avec une prostituée, mais
aucun ne mentionne comment une prostituée doit se préparer afin
de faire une bonne confession, ou quel type de questions le prêtre
devrait lui poser.
Les manuels d'une certaine longueur constituent des vrais
cours de droit; leur étude permettait aux confesseurs de devenir
des experts dans l'art difficile d'interroger les pénitents,
choisissant savamment les questions qui permettent de déceler les
péchés sans en poser d'autres qui pourraient donner des idées de
nouveaux péchés à ceux que n'y auraient songé par eux-mêmes.
Les autres langues
A part le castillan, les langues portugaise, catalane,
galicienne et basque étaient parlées dans la Péninsule ibérique
durant le bas Moyen Age. Il existe des manuels de confession en
portugais(3) et en catalan(4); l'établissement du corpus et leur étude
pourra être le sujet d'autres monographies(5).
Il n'y a pas de motif de supposer qu'il existe des manuels de
confession rédigés dans les autres langues de la Péninsule: le
galicien perdit son importance comme véhicule littéraire dès le
13e siècle, et le basque n'est devenu une langue écrite qu'après la
période couverte par cette étude.
Ce mémoire se veut donc une contribution aux
connaissances des croyances religieuses en Espagne à la fin du
Moyen Age, ainsi qu'une introduction à une catégorie d'oeuvres
négligée par les historiens de la littérature médiévale espagnole.
Il serait intéressant de faire un travail semblable pour les sources
en catalan et en portugais, afin d'enrichir nos connaissances sur
le développement des langues de la Péninsule et sur l'histoire du
droit canon.
1. L'exception étant le traité de Martín Pérez, mentionné au troisième
chapitre ce mémoire.
2. Madrid: Nacional, 9264, ff. 41v-42r.
3. Durant le cours de la recherche pour préparer ce mémoire, des
références aux manuels suivants en portugais ont été trouvées:
Fr. Jo~ao Claro. Horas da confiss~ao. Lisboa: Nacional, Alcob.
CCLXVII/72.
Capitulo que fala em quantas maneiras peca. Lisboa: Nacional, A.N.T.T
Alcob. CCLXX/771.
Martín Pérez. Livro das confiss~oes. Lisboa: Nacional, B.N.L Alcob.
CCLI/377, CCLII/378.
Tratado de confissom. ?: Chaves, 1489.
4. Quelques manuels en catalan:
Confessional. Valence: Nicolau Spindeler, 1493.
Antoni Canals?, Confessions del savi pecador. Escorial: Monasterio,
d.IV.19; Barcelona: Biblioteca de Catalunya, 480.
Arte de bé morir amb confessionari. Barcelona: Joan Rosenbach, 1493.
Pseudo-Ramón Llull. Art de confesió. Manuscrits: Palma de Mallorca:
Biblioteca Bartolomé March, s/n; Saragosse, Biblioteca Capitular, 1257;
Rome: S. Patrize e S. Isidoro, 1/71; Salamanca: Biblioteca Universitaria, 2311.
Breu confessionari. Barcelona, 1495.
Breu tractat de confessió. Montserrat: Monasterio, 1.
Breu tractat de confessió. Valencia, 1493.
Francesc Eiximenis. Cercapou. Plusieurs manuscrits et éditions.
Francesc Eiximenis. Confessionari. Plusieurs incunables.
5. Pour le domain catalan, il est possible de repérer des manuels de
confession à l'aide de l'excellent guide compilé par Beatrice Jorgensen
Concheff, la Bibliography of Old Catalan Texts (Madison, 1985).
Les instruments de recherche pour la littérature portugaise médiévale
sont malheureusement peu développés. Il existe sans doute un grand
nombre de manuels de confession en cette langue mais ils resteront très
difficiles à repérer avant avant qu'on ne fasse une recherche systématique
de l'héritage médiéval des écrits portugais.
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